Don Corleone prit la parole le premier d'un ton aussi banal que s'il ne s'était rien passé. On aurait cru l'entendre qu'il n'avait pas été grièvement blessé, que son aîné n'avait pas péri, que son empire n'était pas en ruine, ni ses fils dispersés : Freddie à l'Ouest, sous la protection de la Famille Molinari, et Michael planqué sur les terres désolées de Sicile.Il exprima, evidemment, en dialecte sicilien.
" Je veux d'abord vous remercier tous d'être venus. Je considère votre présence comme un service que vous me rendez à moi personnellment et je suis redevable à chacun d'entre vous .Je dirai aussi dès le début que je ne suis pas ici pour me quereller ou convaincre qui que ce soit , mais pour raisonner en homme raisonnable et faire tout mon possible afin que nous nous séparions en ami. Je vous en donne ma parole . Ceux d'entre vous qui me connaissent savent que je ne me suis jamais engagé à la légère. Ceci dit, entrons dans le vif du sujet. Nous sommes tous des gens honorables et nous n'avons pas besoin de nous donner mutuellement des assurances commes si nous étions des avocats"
Il marqua une pause.Personne ne pipa mot. Certains fumaient le cigare, d'autres sirotaient leur boisson. Tous étaient habitués à écouter attentivement et patiemment. Ils avaient encore un autre trait commun: ils avaient refusé d'accepter les régles de la société organisée, de se laisser dominer par d'autres hommes, ce qui est rare chez l'être humain. Aucune force, aucun mortel n'étaient capables d'infléchir leur volonté dans un sens qui leur déplût. Il étaient tous décidés à préserver leur liberté d'action par tous les moyens, y compris le meurtre. Seule la mort ou une raison majeure pouvait faire céder leur détermination.
Don Corleone soupira." Comment se fait-il que les choses soient allées aussi loin? demanda-t-il éloquement. Peu importe. Nous avons commis bien des folies inutiles et c'est regrettable. Néanmoins, permettez-moi de vous rendre compte des événements tels que je les vois"
Il marqua encore une pause pour permettre éventuellement à l'un des Dons de présenter des objections à ce projet.
" Dieu merci j'ai recouvré la santé et je pourrai peut-être ainsi contribuer à ramener bon ordre et entente. Mon fils était peut-être trop violent et trop têtu. Je le nie pas.Néanmoins je tiens à préciser que Sollozzo est venu me proposer une affaire pour laquelle il me demandait mon argent et mon influence. Il me déclara qu'il représentait aussi les intérêts de la famille Taggalia. Cette affaire portait sur la drogue qui ne m'intéresse pas. Je suis un homme tranquille et les entreprises de ce genre sont trop mouvementées à mon goût. Je l'ai expliqué à Sollozo avec toute la déférence que je lui devais, à lui et à la famille Taggalia. Je lui est donné mon "non" on ne peut plus courtoisement. J'ai ajouté que ces affaires ne concurrenceraient pas les miennes et que je ne voyais donc aucun incovénient à ce qu'il gagne sa vie de cette façon.
Après m'avoir entendu, il a déchainé les malheur sur nous tous. Ma foi, c'est la vie, messieurs. Chacun de nous, ici présent, pourrait raconter l'histoire de ses malheurs et chagrins. Ce n'est pas ce que j'ai l'intention de le faire"
Don Corleone fit signe à Hagen de lui apporter une boisson fraîche et le consigliori le servit prestement. Le Don s'humecta la bouche et reprit : " je veux faire la paix, Taggalia a perdu un fils et j'ai perdu un fils. Nous sommes quittes. Que deviendrait le monde si les gens entretenaient des rancunes en dépit de de toute raison? Ce fut le malheur de la sicile où les hommes consacrent tellement de temps à la vendetta qu'ils n'en ont plus pour gagner le pain de leur famille. C'est une folie.
Voilà pourquoi je vous dis maintenant : revenons-en à la situation dans laquelle nous étions avant. Je n'ai pris aucune mesure pour apprendre qui a trahi, qui a tué mon fils. Si on m'acorde la paix, je n'en ferai rien. J'ai un autre fils qui ne peut plus vivre actuellment chez moi. J'ai besoin d'assurances à son sujet. Quand j'aurai arrangé les choses pour qu'il puisse revenir en sécurité, je veux que personne ne s'en mêle et ne rende les autorités dangereuses pour lui. Quand nous aurons réglé ça, nous pourrons nous entretenir d'autres choses intéressantes et ainsi nous rendrons-nous à tous aujourd'hui un service profitable" Corleone fit à deux mains un geste expressif de résignation " Je ne m'en demande pas plus"
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